mardi 22 juin 2010

Violet

La voix saigne
Je vacille
Lentement
Telle la grande
Aiguille
Inexorable
Qui ne sait plus
Qu’elle tourne
(Et pourtant elle tourne...)

J’entends les voiles
Du temps
Les feuilles invisibles
Comme, parfois,
Tombe la pluie

Monte la vase
Terre liquide
De souvenirs
Hétéroclites

Monte, encore,
Plus haut
Que le soleil
La très grande
Vague lente
Le reflux
Le dernier
Inspir’
Violet

17 vi 2010

Voici venu le temps…


...des doutes qui soudain m’assaillent, de la grande fatigue qui me sape sèchement, d’un coup très doux, de cet apaisement qui me pose. Ne suis-je pas trop vieux dans ce que j’ai commencé à faire. Si la peur de vieillir est bien « ce hideux tourment » qu’évoque Baudelaire dans Réversibilité, c’est peut-être moins la déchéance physique de l’individu pour lui-même, que sa déchéance vis-à-vis du monde qui s’échappe, qui tout à coup est immense, trop immense. Et noir comme l’encre qui a noirci tant de pages propédeutiques, inchoativement propédeutiques. Je ne sais plus de quoi j’ai précisément envie, ni même si j’ai envie de continuer ce que j’ai toujours commencé, puis avancé avant que ce ne fut rageusement déchiré, piétiné par un petit exil, où j’ai finalement « surplacé ». Je ne peux aller vite, je décélère, je m’égrenne, je m’é…


samedi 19 juin 2010

Agis



Je m’agite
Dans les cordes
Du vent

Qui parcourt
Ma tête
Entre deux oreilles

Je sens les vagues,
le ressac et le poids
Soudain, de mon corps

J’entends cogner
Dans le sombre fond
De ma peau

Mon cœur devenu
Sourd et un peu fou
Dont le grésil m’envahit

Je me dilate
Je suis des lianes
Une feuille au vent

Que mâche la pluie
Dans l’argile rouge
D’une nuit roide

4-6 ii 2009

à propos de 69, Rushed (original version)

mercredi 9 juin 2010

mardi 8 juin 2010

Qu'est-ce que la vie ?

Retrouvé par hasard, cette lettre de Diderot à Sophie Volland.
Émouvante et magnifique

 Dites-moi, avez-vous jamais pensé sérieusement à ce que c’est que vivre ? Concevez-vous qu’un être puisse jamais passer de l’état de non-vivant à l’état de vivant ? Un corps s’accroît ou diminue, se meut ou se repose ; mais il ne vit pas par lui-même, croyez-vous qu’un changement, quel qu’il soit, puisse lui donner de la vie ? Il n’en est pas de vivre comme de se mouvoir, c’est autre chose. Un corps en mouvement frappe un corps en repos et celui-ci se meut. Mais arrêtez, accélérez un corps non-vivant, ajoutez-y, retranchez-en, organisez-le, c’est-à-dire disposez-en les parties comme vous l’imaginerez. Si elles sont mortes, elles ne vivront non plus dans une position que dans une autre. Supposer qu’en mettant à côté d’une particule morte, une, deux, ou trois particules mortes, on en formera un système de corps vivant, c’est avancer, ce me semble, une absurdité très forte, ou je ne m’y connaît pas. Quoi ! la particule a placée à gauche de la particule b n’avait point la conscience de son existence, ne sentait point, était inerte ou morte ; et voilà que celle qui était à gauche mise à droite, et celle qui était à droite mise à gauche, le tout vit, se connaît, se sent ? cela ne se peut. Que fait ici la droite ou la gauche ? Y a-t-il un côté et un autre côté dans l’espace ? Cela serait, que le sentiment et la vie n’en dépendraient pas. Ce qui a ces qualités, les a toujours eussent les aura toujours. Le sentiment et la vie sont éternels. Ce qui vit a toujours vécu, et vivra sans fin. La seule différence que je connaisse entre la mort et la vie, c’est qu’à présent vous vivez en masse, et que dissous, épar s en molécules, dans vingt ans d’ici vous vivrez en détail. […]
Le reste de la soirée s’est passé à me plaisanter sur son paradoxe. On m’offrait de belles poires qui vivaient, des raisons qui pensaient ; et moi je disais : ceux qui se sont aimés pendant leur vie et qui se font inhumer l’un à côté de l’autre ne sont peut-être pas si fous qu’on pense. Peut-être leurs cendres se pressent, se mêlent et s’unissent. Que sais-je ? Peut-être n’ont-elles pas perdu tout sentiment, toute mémoire de leur premier état ? Peut-être ont-elles un reste de chaleur et de vie dont elles jouissent à leur manière au fond de l’urne froide qui les renferme.
O ma Sophie, il me resterait donc un espoir de vous toucher, de vous sentir, de vous aimer, de vous chercher, de m’unir, de me confondre, avec vous, quand nous ne serons plus ! S’il y avait dans nos principes, une loi d’affinité, s’il nous était réservé de composer un être commun, si je devais dans la suite des siècles refaire un tout avec vous, si les molécules de votre amant dissous venaient à s’agiter, à se mouvoir et à rechercher les vôtres éparses dans la nature ! Laissez-moi cette chimère ; elle m’est douce ; elle m’assurerait l’éternité en vous et avec vous.

Denis Diderot, Lettres à Sophie Volland ;
Lettre du [15 (?) octobre 1759], p. 88-92.