vendredi 17 décembre 2010

Rosée

Rosée
(Le plaisir des cendres II)


Car la beauté est là où l’œil se repose
J. Brodsky, Acqua Alta


Tu éclos 
Inattendue et souhaitée 
À l’orée de mes pas
De ta présence
Je m’envahis
Et m’exhausse
Je vois l’aube sur ta joue
La rosée carmin qui scintille
Et divague sur le pli étouffé du regard
Lourd encor d’une béatitude sourde
Sur les dunes émues des paupières
Sévèrement ceintes d’un geai
Qui s’égaye et se noue
Au faîte de la nuque
Ductile, ta rosée me carmine
Flue et m’encalmine
Ta mutité m’enchante
Tandis qu’une sourde asthénie
Harasse chacun de mes pas 
J’oscille et je vacille 
Tu es la cillation 
Qui me dévaste 
Me ravit et m’exalte

 
11 x 2007-31 iii 2008

lundi 22 novembre 2010

Dissertation

Doit-on regretter le passé parce que le présent est insupportable ?

dimanche 7 novembre 2010

Éponge

Il faut cesser de vivre
Je ne puis mourir sans vous
Murat, Démariés



Je suis une éponge
Un nuage plein
De maux sans faim

Je suis du lait
Qui bout et brule
L'intérieur de mes lèvres

Je suis du sel
Qui sèche sur le sang
Noir de ses yeux avides

Je suis livide
Au creux des reins
Je suis le Rien

6 xi 2010

vendredi 8 octobre 2010

…/…

Finalement, on n’écrit que pour celles et ceux à qui on ne peut pas parler, celles et ceux qu'on n’ose pas arrêter. Ce blog s’est, provisoirement peut-être, extenué. Son pouls est faible, sa respiration faites de tessons et de contingences. C’est une bouteille à la mer, une feuille sèche de palmier, une petite tessiture. Il passe, comme le disait joliment Leibniz des monades « à un plus petit théâtre ».

lundi 27 septembre 2010

contingence





visage glacé

vêtement tâché de pluie



mardi 22 juin 2010

Violet

La voix saigne
Je vacille
Lentement
Telle la grande
Aiguille
Inexorable
Qui ne sait plus
Qu’elle tourne
(Et pourtant elle tourne...)

J’entends les voiles
Du temps
Les feuilles invisibles
Comme, parfois,
Tombe la pluie

Monte la vase
Terre liquide
De souvenirs
Hétéroclites

Monte, encore,
Plus haut
Que le soleil
La très grande
Vague lente
Le reflux
Le dernier
Inspir’
Violet

17 vi 2010

Voici venu le temps…


...des doutes qui soudain m’assaillent, de la grande fatigue qui me sape sèchement, d’un coup très doux, de cet apaisement qui me pose. Ne suis-je pas trop vieux dans ce que j’ai commencé à faire. Si la peur de vieillir est bien « ce hideux tourment » qu’évoque Baudelaire dans Réversibilité, c’est peut-être moins la déchéance physique de l’individu pour lui-même, que sa déchéance vis-à-vis du monde qui s’échappe, qui tout à coup est immense, trop immense. Et noir comme l’encre qui a noirci tant de pages propédeutiques, inchoativement propédeutiques. Je ne sais plus de quoi j’ai précisément envie, ni même si j’ai envie de continuer ce que j’ai toujours commencé, puis avancé avant que ce ne fut rageusement déchiré, piétiné par un petit exil, où j’ai finalement « surplacé ». Je ne peux aller vite, je décélère, je m’égrenne, je m’é…


samedi 19 juin 2010

Agis



Je m’agite
Dans les cordes
Du vent

Qui parcourt
Ma tête
Entre deux oreilles

Je sens les vagues,
le ressac et le poids
Soudain, de mon corps

J’entends cogner
Dans le sombre fond
De ma peau

Mon cœur devenu
Sourd et un peu fou
Dont le grésil m’envahit

Je me dilate
Je suis des lianes
Une feuille au vent

Que mâche la pluie
Dans l’argile rouge
D’une nuit roide

4-6 ii 2009

à propos de 69, Rushed (original version)

mercredi 9 juin 2010

mardi 8 juin 2010

Qu'est-ce que la vie ?

Retrouvé par hasard, cette lettre de Diderot à Sophie Volland.
Émouvante et magnifique

 Dites-moi, avez-vous jamais pensé sérieusement à ce que c’est que vivre ? Concevez-vous qu’un être puisse jamais passer de l’état de non-vivant à l’état de vivant ? Un corps s’accroît ou diminue, se meut ou se repose ; mais il ne vit pas par lui-même, croyez-vous qu’un changement, quel qu’il soit, puisse lui donner de la vie ? Il n’en est pas de vivre comme de se mouvoir, c’est autre chose. Un corps en mouvement frappe un corps en repos et celui-ci se meut. Mais arrêtez, accélérez un corps non-vivant, ajoutez-y, retranchez-en, organisez-le, c’est-à-dire disposez-en les parties comme vous l’imaginerez. Si elles sont mortes, elles ne vivront non plus dans une position que dans une autre. Supposer qu’en mettant à côté d’une particule morte, une, deux, ou trois particules mortes, on en formera un système de corps vivant, c’est avancer, ce me semble, une absurdité très forte, ou je ne m’y connaît pas. Quoi ! la particule a placée à gauche de la particule b n’avait point la conscience de son existence, ne sentait point, était inerte ou morte ; et voilà que celle qui était à gauche mise à droite, et celle qui était à droite mise à gauche, le tout vit, se connaît, se sent ? cela ne se peut. Que fait ici la droite ou la gauche ? Y a-t-il un côté et un autre côté dans l’espace ? Cela serait, que le sentiment et la vie n’en dépendraient pas. Ce qui a ces qualités, les a toujours eussent les aura toujours. Le sentiment et la vie sont éternels. Ce qui vit a toujours vécu, et vivra sans fin. La seule différence que je connaisse entre la mort et la vie, c’est qu’à présent vous vivez en masse, et que dissous, épar s en molécules, dans vingt ans d’ici vous vivrez en détail. […]
Le reste de la soirée s’est passé à me plaisanter sur son paradoxe. On m’offrait de belles poires qui vivaient, des raisons qui pensaient ; et moi je disais : ceux qui se sont aimés pendant leur vie et qui se font inhumer l’un à côté de l’autre ne sont peut-être pas si fous qu’on pense. Peut-être leurs cendres se pressent, se mêlent et s’unissent. Que sais-je ? Peut-être n’ont-elles pas perdu tout sentiment, toute mémoire de leur premier état ? Peut-être ont-elles un reste de chaleur et de vie dont elles jouissent à leur manière au fond de l’urne froide qui les renferme.
O ma Sophie, il me resterait donc un espoir de vous toucher, de vous sentir, de vous aimer, de vous chercher, de m’unir, de me confondre, avec vous, quand nous ne serons plus ! S’il y avait dans nos principes, une loi d’affinité, s’il nous était réservé de composer un être commun, si je devais dans la suite des siècles refaire un tout avec vous, si les molécules de votre amant dissous venaient à s’agiter, à se mouvoir et à rechercher les vôtres éparses dans la nature ! Laissez-moi cette chimère ; elle m’est douce ; elle m’assurerait l’éternité en vous et avec vous.

Denis Diderot, Lettres à Sophie Volland ;
Lettre du [15 (?) octobre 1759], p. 88-92.

mardi 25 mai 2010

Dimanche


 
Éteintes, les lèvres
Du regard sont lourdes
Disséminées
Les paupières striées
Sont pleines et sourdes
D’une rosée fanée

C’est une améthyste fatiguée
Étreinte de mutité
Un bruissement infini
Dans l’espace clos
D’une vasque sans eau

L’amande, peut-être
Dessinée de moire
Est ivre de fatigue

[inachevé]

?-v 2010

jeudi 20 mai 2010

trace, plaie, ananas



« La mort de l’Autre : une double mort, car l’Autre
est déjà la mort et pèse sur moi comme l’obsession de la mort. »
 Maurice Blanchot, L’écriture du désastre

mardi 11 mai 2010

Question

J’écris au dos
D’un étrange passé
Qui me revient
En nullité

Comme ce train
Qui s’abstient
Dans le tunnel
De ma voix

Et toujours se jettent
Les yeux éperdus
Vers l’énigme
D’une lame

Un regard, foulard
Vaguement perdu
Un sourire, déjà entendu
Qui me tient à l’aigu

Une longue évidence
Patiente qui se donne
Avec insistance, se dévoile
Insoutenable et souveraine

Une prédation soudain
Me hante comme l’incarnat
D’une faute qui se compose
Un horizon aveuglant

Peut-être une pomme
Que l’on tient au creux
Du grand Rien

9-11 v 2010

dimanche 2 mai 2010

Tempus fugit nec mergitur

Les enfants sont la marque du temps. Leur mère, celle de la grande Jalousie.

samedi 1 mai 2010

Bribes


Abandonné dans une ville
Que je connais, sais-je
Ce que j’y faible ?

Je tue le temps
L’étire comme il me colle
Aux yeux et m’alourdit le pas

Immersion
Apnée vétilleuse
Attente de l’événement
Le retour du passé
Ou plutôt un renouement
Reliaison faite
De l’épaisseur
D’un passé non-commun
D’un passé séparé
En un sens,
C’est chercher à mesurer
Mesurer le temps se faisant
Est-ce son poids que l’on veut sentir ?

14-29 iv 2010

lundi 26 avril 2010

Le mal en patience

Écrire quand la pensée va trop vite, que les mots défilent et s’enfilent si bien entre les nuages de ma mémoire. Vygotski l’avait bien écrit : « On pourrait comparer la pensée à un lourd nuage qui déverse une pluie de mots ».

mardi 13 avril 2010

jeudi 25 mars 2010

Grain

Un coquillage
Dans l’eau sèche
De ma gorge

Remémore le pli
La commissure
L’échancre

Le petit néant
La punition
De mon regard

Est-ce la famine ?
Ou le sable
Dans ma voix

25 mars 2010

mercredi 17 mars 2010

samedi 13 mars 2010

samedi 27 février 2010

Stygienne

Pour C. N.

J’ai oublié le mot que j’allais prononcer.
Désincarnée l’idée retourne au royaume des ombres
O. Mandelstam, [J’ai oublié le mot]




Des yeux persans
Où affleure la peau
Le nez exact

Le froid rougit
Le vent boit la moisson
Des cheveux châtaignés

La bruine, rare
Et un peu maladroite
Me blesse lentement

Je sens dans l’ombre
Des mains, tapi au fond
De ma voix, un cercle plein

Brûle à mes lèvres
La gerçure enfouie
De la mélancolie

La thymie
La cendre lente
De l’impatience

26 janvier 2010

mercredi 10 février 2010

mardi 26 janvier 2010

Oriflamme

« Je suis. Confuse et obstinée, et il n’était pas fou que je m’obstine autant. »
I. Garo, Miranda 1

 

J’ai d’abord vu
Un chat dans la lumière
L’ambre crépuscule
D’une saison jaune
 

J’ai vu la mosaïque
De plusieurs vies
Flamboyer sur la géométrie
Anonyme et grise
 

J’ai vu l’ardoise
Au surplomb de la ville
Qui se rassemble
Comme un châle
 

J’ai vu la bruyère
Et le fer forger
La chaleur irréelle
D’une mélancolie rauque
 

J’ai vu comment
Les yeux ont montré
L’âme et la faim
Nourrir le silence
 

28-31 x 2009

jeudi 21 janvier 2010

Lilalil


Ses cheveux noirs dénoués, elle vient de se retourner, son oreille de Corail, sa main aux doigts écartés, sur l’oreiller près de son visage, sa respiration est lente et régulière comme celle de quelqu’un qui dort effectivement, les lèvres sont immobiles, lèvres entrouvertes et enfantines, l’épaule gauche et la naissance de la poitrine sont dénudées, le corps n’est couvert que d’un drap aussi net qu’une Nikè, sous les plis révélateurs du marbre, mais chaud et même brulant de sommeil, sec ardent, son oreille de Corail sous la chevelure noire que je pourrais toucher sans qu’elle s’en aperçoive, un instant les cils tressaillent mais elle dort les paupières closes bleuâtres et cireuses ont l’éclat froid des pâles colchiques sur les yeux endormis, par un mouvement, pas un mouvement, seule la chevelure paraît échapper au sommeil, le bout des doigts aussi, près du visage, pourrait presque être éveillé mais elle dort, le sommeil est là dans la nuque, là très profond sans rêve humide plus profond que sur le visage qui semble nager à la surface du sommeil obscur comme un reflet fragile.


Max Frisch, Meine Name sei Gantenbein
__________________________________
 Philip Glass, Company




vendredi 15 janvier 2010

Éclipse

Terrible silence
Dans le luisant
De la nuit profonde

Froide terreur
De ténèbres familières
Lumières glacées

Oranges blafardes
Serpentins lumineux
Sur les hauteurs

Manteau de soir
Sous mes doigts
La soie fébrile

Sépulcre hivernal
Guirlande infinie
D’yeux rouges

Comme une vague immense,
Un mascaret silencieux
Les points d'une douleur

Incolore comme la nuit
Qui se mange
Comme une parole

Muette

2-11 janvier 2010